previous arrowprevious arrow
next arrownext arrow
Slider

Charles, 16 ans, pénitent

PERPIGNAN, JUIN 2022

 

Christ, caparuxes, mistéris, la procession de la Sanch est quelque peu déstabilisante lorsque l’on n’en connaît pas les tenants et les aboutissants. Cette tradition catalane, datant du Moyen-Âge, célèbre le vendredi saint. Les membres de l’Archiconfrérie de la Sanch se réunissent chaque année dans le vieux Perpignan pour perpétrer, ensemble, la passion du Christ.

Charles a 16 ans. Cela fait plus de 10 ans qu’il participe, de manière plus au moins active, à la procession de la Sanch. C’est un moyen pour lui de faire perdurer la tradition familiale, mais également de se retrouver, au détour d’un culte, en harmonie avec la religion. Face à une société bourrée de préjugés, Charles préfère se raconter face cachée. D’une part pour ne pas démystifier son approche avec la foi, mais également pour éviter le jugement des autres. Cette année, et pour la première fois, il porte le Dévot Christ, une place honorifique pour lui.

L’Archiconfrérie de la Sanch (qui signifie sang en catalan) est créée en 1416 en l’église Saint-Jacques à Perpignan par un certain Vincent Ferrier. Face à la lassitude de la violence populaire de l’époque, il souhaite accompagner le condamné à mort dans son dernier voyage, à la manière du Christ. A travers les époques, la procession connaît de nombreux obstacles. Avant la Révolution, montrer qu’on était catholique, montrer qu’on était pieux, est bien vu. Dès lors, une partie de la population, souvent non croyante, intègre la procession afin de faire grimper leur égo. Cet aspect engendre de nombreux débordements, comme la flagellation en place publique, menant l’arrêt de la procession dans les rues de Perpignan. Soulignons que lors de la séparation de l’église et de l’état au début du XXème siècle, la procession n’est pas reconnue comme étant une institution à bute patrimoniale, ce qui achève l’idée même d’une éventuelle relance.

Mais dans les années 1950, un groupe d’hommes remet la procession au goût du jour. L’arrière arrière grand-père de Charles en fait partie. Cependant, l’image de cette dernière est abîmée. « Mon arrière arrière grand-père a été accusé de collaboration avec les nazis, alors qu’en réalité il livrait des armes aux américains », raconte Charles. L’orientation politique de ceux qui ont lancé la confrérie est souvent discuté dans la société perpignanaise. C’est d’ailleurs sans gène et avec une logique douteuse qu’une partie de la population fait allusion au Ku Klux Klan lorsqu’elle observe les membres de la confrérie. Aujourd’hui, beaucoup de personnes font le raccourci vers une forme d’extrémisme, alors qu’on est face a des individus perpétrant un rite religieux et suivant une tradition qui s’inscrit aujourd’hui au patrimoine de la ville.